Lu pour le Grand Prix des Lectrices Elle 2024, Grand Seigneur de Nina Bouraoui m’a touchée comme je ne pensais pas pouvoir l’être en lisant un récit aussi personnel. Pour quiconque aura déjà été confronté à la difficulté d’accompagner une personne en fin de vie, Grand Seigneur aura une résonance toute particulière. Et pour les autres, ce livre sera juste un prétexte à découvrir la superbe écriture de Nina Bouraoui.
De quoi parle ce livre ?
Dans ce texte fort et sincère, Nina Bouraoui nous plonge dans l’univers des soins palliatifs et retrace les dernières heures d’un père aimé et admiré. « La fin de vie est une aventure à part entière, elle possède ses rites, ses habitudes, sa géographie et ses personnages, (…) deux mondes se mélangent, celui des couchés, celui des debout, aucun langage n’est assez juste pour que ces deux mondes s’entendent, se répondent. Je sais la colère du premier, la perdition du second ».
Plus qu’un simple récit autobiographique, Grand Seigneur aborde des questions universelles qui parleront à tout lecteur : la gestion de la fin de vie, l’ambivalence des proches face à la dureté de la maladie, les cartes de l’identité rebattues lorsque la figure paternelle disparaît, la persistance du disparu grâce au pouvoir de l’amour. Il rend aussi hommage, me semble t-il, à tout l’écosystème des soins palliatifs. Un monde de codes et de protocoles, pourtant rempli d’humanité.
Mon expérience de lecture
Plus encore que les thèmes abordés ou que le vécu de Nina Bouraoui, c’est sa plume qui m’a envoûtée. Un envoûtement, rien de moins !
Une écriture infiniment délicate et pleine de justesse, au service d’un texte d’une grande sensibilité. Le lecteur vit pleinement ce récit, livré avec ce qu’il faut de pudeur. Telle une ombre invisible tenant la main de l’autrice au chevet de son père, il ne peut être que transpercé par l’émotion qui ressort de ces pages. Certains passages sont d’une beauté marquante et certaines phrases, telles des coups de poing, me resteront longtemps en mémoire.
Seul (mini) bémol, le passé du père aurait pu être davantage creusé. La quatrième de couverture nous vendait un personnage « hautement romanesque » et on peine à retrouver cet aspect dans le livre. Sans doute une note pour l’éditeur plus que pour l’autrice.
Grand Seigneur, pour être un grand livre, n’avait de toute façon pas besoin d’une personnalité hautement romanesque. La simplicité et la sincérité de l’autrice et de ses personnages n’ont en rien desservi le texte, bien au contraire. Elles lui ont donné toute son humanité et son universalité.
En conclusion
Bouleversant. Vraiment magnifique ! Pour moi, le plus beau texte dans la catégorie « non fiction/document ».
Si le thème de la perte d’un proche vous intéresse …
Le GPL Elle nous a proposé deux autres textes qui traitaient du même sujet :
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Une enfance française – Farida Khelfa
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Kaddour – Rachida Brakni
Lu à Saint-Germain-en-Laye en mars 2024
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