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Les intéressants de Meg Wolitzer : un roman d’une étonnante profondeur

6 octobre 2017

J’ai fini il y a quelques jours la lecture du livre Les intéressants de Meg Wolitzer en Livre de Poche et, pour être franche, je ne sais pas trop par où commencer, ni même vraiment ce que je vais vous en dire. « Obscur », me direz-vous ! En fait, ma perception du livre a évolué à mesure que je le lisais. Il s’est passé quelque chose, pas immédiatement, mais quelque chose de très « intéressant ». Le roman est passé d’une historiette de gamins dans un centre de vacances à une oeuvre extrêmement subtile et étonnement profonde. Plus j’y pense, plus je réalise que j’ai aimé lire ce livre. Pas comme on dévore un polar ou comme savoure un coup de coeur, mais comme une belle surprise que l’on avait pas vu venir. 

 

Pourquoi ce livre ?

 

Personne ne m’a recommandé ce livre et je n’en avais pas particulièrement entendu parler. Un jour, en partant à la chasse aux livres (la seule chasse que je pratique), il s’est trouvé entre mes mains. Était-ce la nostalgie de l’époque où je lisais avec avidité les aventures du Club des 5 chez ma grand-mère qui m’a poussée à vouloir retrouver l’ambiance des amitiés nouées pendant l’enfance ? Est-ce l’idée de suivre ce groupe d’amis sur la quasi totalité de leur vie qui me plaisait ? Ou encore le titre qui m’intriguait ? Sans doute un mélange de tout ça. 

 

Ça raconte quoi ?

 

L’histoire débute dans un camp de vacances pour ados venant de milieux assez privilégiés. Un petit groupe d’amis s’est auto-baptisé « Les Intéressants ». Ce sont les « cool kids » du camp. Un été débarque Julie, alias Jules. Elle est l’outsider. Elle provient d’un milieu beaucoup plus modeste, est bourrée de complexe sur son physique et plus généralement sur sa personne. Jules est donc en extase devant ce groupe d’ados surs d’eux. Pourtant, à sa surprise, elle devient membre de cette bande. Et cela changera sa vie. 

Cet été sera une révélation pour Jules. Entre les six protagonistes se nouera une amitié spéciale et forte, parfois teintée de sentiments plus ambigus. On suivra alors l’évolution de chaque membre du groupe et des liens qui les unissent sur plusieurs décennies. 

Vous allez être les témoins de tous les ressorts de l’amitié, du délitement de liens, d’amours inavouables et inavoués, de réussites et de gâchis, de traumatismes et de batailles du quotidien. Des forces et des lâchetés des personnages, de leur rapport à l’argent, à la réussite et à leur milieu social. Bref, il y a beaucoup de choses dans ce livre, et je trouve qu’il vaut la peine d’être lu.

Je n’en dis pas plus pour ne pas gâcher votre plaisir de lecture mais vous voyez l’idée. 

 

Quatrième de couverture

 

« En 1974, Julie passe son été à Spirit-in-the-Wood, une colonie de vacances. Elle y rencontre un groupe de cinq adolescents qui se sont baptisés « les Intéressants » : Ethan, un surdoué des films d’animation ; Goodman et sa sœur Ash, jeunes New-Yorkais bien nés ; Jonah, le fils d’une célèbre chanteuse folk, icône de la contre-culture, et enfin Cathy, qui rêve de devenir danseuse.
Le roman suit leur vie pendant quarante ans. Ethan épousera Ash. Ensemble, ils connaîtront la réussite et les drames. Goodman devra faire face à la justice. Jonah se détournera de la musique. Et Julie ? Julie se cherchera pendant de longues années et racontera leur histoire à tous ».
 

 

Verdict ?

 

Je vais être très honnête : je n’ai pas été emballée par les 200 premières pages du livre. Le début pose le décor et est prometteur. S’en suivent les récits des aventures de ces ados dans ce camp, que j’ai trouvé d’une naïveté et d’une prévisibilité décevantes.

Mais ce n’est qu’en ayant terminé la lecture de l’ouvrage que je me rends compte que tout cela était parfaitement calculé. Je m’explique. La grande force de ce roman est d’évoluer avec ses personnages. En gros, le narrateur s’adapte à l’état d’esprit des personnages en fonction de leur âge. C’est fait de manière subtile. En gros, au début, vous êtes dans la tête d’un ado avec tout cela comporte d’excès, de propension à dramatiser et, il faut le dire, d’un peu pathétique. Mais plus vous avancez dans le roman, plus les sentiments se complexifient, évoluent, mûrissent et l’écriture suit en se densifiant et en devenant plus élaborée. 

Il y a quelques longueurs, c’est vrai. L’auteur en fait un peu des tonnes sur certains aspects de la personnalité des personnages. Mais après le premier tiers du livre, le rythme est meilleur et le récit vraiment plaisant. 

Je le recommande ? Oui, sans arrière-pensée car j’ai passé un très bon moment. Mais ça ne sera pas non plus un coup de coeur. 

 

Et le style dans tout ça ?

 

Le style en lui-même n’est pas exceptionnel. Peu de phrases ou de passages auront retenu mon attention sur les 700 et quelques pages que compte l’ouvrage. En revanche, et comme je l’écrivais plus haut, la vraie grande force des Intéressants, c’est la progression dans la narration. On a l’impression que le narrateur a mûri en même temps que les personnages évoluaient, ce qui est très fort et rarement si bien fait. J’ai personnellement beaucoup apprécié. 

 

Pour quel public ? 

 

Tout public.

 

Mes morceaux et citations préférés :

 

« Bientôt, elle et les autres se montreraient ironiques presque en permanence, incapables de répondre à une question innocente sans donner à leurs paroles un petit côté narquois. Très vite, cependant, les railleries s’atténueraient, l’ironie se teinterait de sérieux, les années raccourciraient et s’envoleraient. Il ne faudrait pas longtemps alors pour qu’ils soient tous choqués et tristes de se retrouver engoncés dans leur personnalité d’adulte, épaisse et définitive, sans quasiment aucun espoir de se réinventer ». 

 

« À peine sortis de l’université, ils se préparaient, ils étaient ambitieux, pas de manière calculatrices, ils étaient simplement enthousiastes, pas encore fatigués ».

 

« Mais de toute évidence, la vie s’emparait des gens et les secouait dans tous les sens jusqu’à ce qu’ils deviennent méconnaissables, même aux yeux de ceux qui les avaient bien connus. Toutefois, le fait d’avoir connu quelqu’un vous procurait du pouvoir ».

 

« Il ne pouvait pas lui avouer que son voeu le plus cher, à cet instant, était de dormir à côté d’elle. Sans caresses, sans baisers, sans stimulation. Aucune sensation, aucune conscience. Juste dormir avec quelqu’un dont vous aimiez la compagnie. C’était peut-être ça, l’amour ».

 

« L’exubérance se consumait, mais la petite ampoule chaude et flamboyante du talent demeurait, et on la levait haut dans le ciel pour la montrer au monde entier ».

 

« Le talent pouvait prendre bien des directions, en fonction de l’énergie investie, de l’économie et du contexte, et surtout en fonction de la force la plus intimidante et la plus déterminante de toutes, la chance ».
 
« … Comme si le monde lui-même était une séquence animée de désir et de jalousie, de haine de soi et de grandiloquence, d’échecs et de succès, une boucle étrange et infinie, que vous ne pouviez pas vous empêcher de regarder car, malgré tout ce que vous saviez maintenant, c’était toujours très intéressant ».

 

* * * *

Lu en septembre 2017 dans le Piémont et terminé dans le TGV Milan-Paris

 

 

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