Grand Prix des Lectrices Elle | Lectures

L’affaire de la rue Transnonain de Jérôme Chantreau un polar historique qui sent la poudre

3 août 2025

Scandale au milieu des barricades ! Si vous cherchez un excellent polar historique basé sur des faits réels, une intrigue politique et un roman social tout à la fois, alors vous êtes au bon endroit. Lisez L’affaire de la rue Transnonain de Jérôme Chantreau ! 

Les lectrices du Grand Prix des Lectrices Elle de cette année ont primé cette petite bombe et c’est vraiment mérité. 

Plongez dans une enquête passionnante au coeur d’un immense scandale d’Etat, dans le Paris de 1834. 

De quoi parle ce livre ?

 

Tout est parti d’un mot, explique Jérôme Chantreau, l’auteur. « Transonain ». Dans l’actuelle rue Beaubourg, une simple inscription gravée dans la pierre. Rue Transnonain. Tristement célèbre, cette rue a donné son nom à l’un des faits divers les plus retentissants de l’époque. 

1834. Paris est une poudrière contaminée par la révolte contre le pouvoir de Louis-Philippe. Un jour d’avril, un coup de feu tue un capitaine de l’armée royale. Le régiment présent sur place pénètre au 12 de la rue Transonain et abat froidement ses habitants : hommes, femmes, enfants et vieillards. C’est un carnage, un massacre d’une violence inouïe. Pourquoi un tel acharnement sur des civils ? Bavure ou crime d’état prémédité ?

Au dernier étage, un jeune artiste – Louis Bréfort – est accusé d’avoir déclenché les hostilités. Problème : il est impossible que le coup mortel soit parti du 5e étage. 

Alors que les autorités politiques et le préfet ont leur coupable désigné, Joseph Lutz, un policier torturé par les fantômes de son passé, brave les ordres et tente jusqu’à l’obsession de découvrir la vérité. Pour comprendre ce qu’il s’est réellement passé rue Transnonain, il doit notamment retrouver Annette Vacher, une « fille » qui a passé la nuit avec le jeune Bréfort, et dont on a retrouvé que les bas et le médaillon sur la scène de crime. 

Grâce à Lutz, Jérôme Chantreau réussira t-il presque deux cent ans plus tard à réhabiliter Louis Bréfort ? 

 

Mon expérience de lecture 

 

Il y a des livres par lesquels on est happé plus vite que d’autres. L’affaire de la rue Transnonain est de ceux qui vous accrochent dès les toutes premières lignes, pour ne plus vous lâcher. C’est simple, je l’ai lu en trois jours (et même pas en vacances !)

Pourquoi ?

Parce que l’intrigue, bâtie sur des faits réels on l’a déjà dit, est tout simplement passionnante. L’enquête est finement menée. Le rythme est excellent et les allers-retours dans le passé des personnages utilisés à bon escient. Ni trop, ni trop peu, ni trop souvent. Assez pour donner à cette histoire complexe tout le relief qu’elle mérite.

Les personnages justement, parlons-en ! L’affaire de la rue Transonain nous offre une remarquable galerie de personnages travaillés et marquants. Il y a le jeune artiste assassiné, le flic au noir passé obsédé par la vérité, la prostituée plantureuse et hypnotique (à qui j’ai trouvé un petit côté Esmeralda). D’ailleurs, j’ai beaucoup pensé à Hugo en lisant ce livre (aux Misérables surtout) et c’est forcément un compliment pour l’auteur. Sans parler de la kyrielle de personnages secondaires (eux aussi très travaillés et convaincants) et de figures bien connues : Vidocq, Thiers (qui en prend sérieusement pour son grade), Girod de l’Ain, Ledru-Rollin …

Ce livre, c’est aussi une plongée plus vraie que nature dans le Paris du début du XIXe siècle. Paris dans toute sa rudesse. Les ruelles sombres et encrassées, la prostitution, les truands, les maladies et la colère sourde d’un peuple qui se cherche et qui a faim.  La dimension historique est crédible parce que manifestement très travaillée. S’il n’y avait pas ces deux chapitres dans lesquels l’auteur et son XXIe siècle s’invitent, on pourrait presque croire que ce roman a été publié en roman feuilleton dans un journal de l’époque.

Autre point fort de ce texte : l’auteur excelle à convoquer les sens du lecteur. En écoutant ce livre, j’ai vu devant mes yeux les tableaux de Delacroix, j’ai senti les odeurs âcres du sang, de la pourriture, de la crasse, entendu le bruit des détonations, eu les yeux irrités par les nuages de poudre. Bref, j’ai été transportée sur une barricade dans le chaos de ces années-là. Et pourtant, le 19e n’est franchement pas ma période préférée de l’histoire de France. 

Le chapitre que j’ai trouvé le plus marquant est peut être cette intervention de l’auteur en plein milieu de son récit. Une mise en perspective de deux époques. J’ai été surprise car le procédé n’est pas habituel mais j’ai trouvé ça bien fait et surtout pertinent. On sent que l’auteur a été habité par cette histoire. Hanté, oserais-je dire. Qu’il a vécu cette injustice dans ses tripes. Alors comment ne pas être embarquée avec lui et ne pas vouloir à notre tour réhabiliter Louis Bréfort ?

 

« Je me promène dans ce cimetière d’asphalte où dansent les fantômes.

J’aimerais coller mon oreille contre les pavés pour entendre le chant des insurgés… »

(…)

« Je remonte mes quatre étages. Les murs se taisent et les esprits s’estompent. Moi, je m’entête à refuser le triomphe du présent ». 

 

En conclusion 

 

C’est un livre qui plaira à un large public. Chacun y trouvera son compte … Les amateurs de romans historiques, les passionnés du 19e siècle, les amoureux de Paris, ceux qui aiment les intrigues et les petits arrangements politiques (Thiers en prend sérieusement pour son grade), ceux qui oeuvrent pour la réhabilitation des boucs émissaires, les féministes. 

Pas forcément un livre de plage ou pour se détendre. Mais un roman vraiment réussi, complet et en tout point captivant. 

La version Audible est merveilleuse : bravo au lecteur qui magnifie le texte de Jérôme Chantreau ! 

 

Écouté à Saint-Germain-en-Laye en juillet 2025

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