Fermez les yeux et télé-portez vous dans 200 ans … Imaginez un monde surveillé par drones et par l’IA. Un monde dans lequel vos émotions seraient régulées en temps réel par un bracelet modérateur d’humeur, lissant vos réactions et encadrant votre conduite. Un Truman Show du futur en quelque sorte dans lequel les femmes ne serviraient qu’à procréer et sauver l’espèce, avant d’être « recyclées ».
Vous y êtes ? Non, mais vous êtes en train de lire Obsolète : la dystopie convaincante et originale de Sophie Loubière.
De quoi parle ce livre ?
Imaginez, donc, un monde dans lequel toute femme ayant atteint la cinquantaine serait considérée comme obsolète et vouée au Grand recyclage … L’autrice indique que l’idée de ce roman qui se déroule dans deux cent ans lui est venue suite au commentaire misogyne d’un journaliste. Et de fait, dans Obsolète (qui porte bien son nom), la femme est vue comme un moyen de sauvegarder l’espèce, dans un monde où la fertilité est menacée et où les hommes manquent. Une fois que leur capacité à procréer s’est éteinte, la Gouvernance invite tout naturellement leur conjoint à prendre une nouvelle femme plus jeune. Un processus d’ « attachement » sur catalogue, guidé par Maya, l’intelligence artificielle. Quant aux femmes arrivées à expiration : que deviennent-elles vraiment ? Quel est ce domaine des Hautes Plaines qu’on leur a vendu comme un rêve éveillé ?
Lorsque trois jeunes filles sont retrouvées mortes dans une grotte, dans une société n’avait pas connu un crime depuis des siècles, Keen, dont la femme Rachel doit partir pour le Grand Recyclage, mène l’enquête et interroge le sens du monde qui l’entoure.
Mon expérience de lecture
Intriguée dès les premières pages par le monde créé de toutes pièces par Sophie Loubière, j’ai d’abord cru que je lirai un polar articulé autour d’une intrigue un peu à la manière d’un roman de Barjavel. Certes le décès suspect des trois jeunes filles est un fil rouge intéressant mais c’est vraiment un élément secondaire de cette dystopie qui porte plutôt, me semble t-il, un message féministe, écologiste et engagé.
Il faut reconnaître à l’autrice sa formidable capacité à nous projeter dans un monde imaginaire mais qui paraît si réaliste. Le récit fourmille de détails (ce qui ça et là occasionne quelques longueurs) et j’ai vraiment eu l’impression d’y être tant le cadre et l’atmosphère de ce monde sont bien posés. C’est précisément parce que ce monde pourrait être celui de demain que ce récit m’est apparu glaçant. Un sentiment de malaise m’a accompagnée durant toute la lecture. On peut difficilement parler de lecture plaisir.
Des thèmes importants sont abordés tout au long de ce roman : la surconsommation, le changement climatique, la question de la natalité et de la baisse de la fertilité ou encore la place de l’intelligence artificielle. En cela, Obsolète est un roman assurément engagé. Militant, même. Et on l’espère, pas trop visionnaire.
Voilà un livre que j’adorerais voir adapté au cinéma. Il s’y prêterait tout à fait.
En conclusion
J’ai refermé Obsolète avec une envie : que le monde n’en arrive pas un jour à cette réalité glaçante. Et avec une crainte : que Siri devienne un jour Maya et que l’intelligence artificielle nous propulse dans une société archi surveillée où les considérations pratiques de survie prévaudront sur les émotions, les sentiments et la liberté.
Enfin, une note pour l’éditeur : merci et bravo d’avoir indiqué la playlist du livre au début du livre et non à la fin. Cela permet aux lecteurs qui le souhaitent de se plonger au plus près de l’état d’esprit de l’autrice et dans l’ambiance qu’elle a voulu créer.
Lu pour le Grand Prix des Lectrices Elle à Saint-Germain-en-Laye en avril 2024
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