J’ai lu La mémoire délavée dans le cadre du Grand Prix des Lectrices Elle 2024, catégorie « non fiction/document ». Un texte fort de Nathacha Appanah, mêlant récit familial et histoire des coolies de l’Île Maurice.
De quoi parle ce livre ?
La mémoire délavée retrace l’arrivée des ancêtres de Nathacha Appanah à l’Île Maurice depuis l’Inde. À travers ces figures personnelles, c’est toute l’histoire de l’île et de son immigration qui est ici racontée. Des coolies débarqués en nombre pour grossir les rangs dans les plantations de canne à sucre. Un essai très personnel en même temps qu’un texte important pour la mémoire collective.
Mon expérience de lecture
Je découvrais avec ce livre Nathacha Appanah, son parcours et sa plume. Et autant aller à l’essentiel : j’ai beaucoup aimé.
D’abord parce que j’ai un faible pour les récits familiaux, encore plus quand ils se focalisent sur les grands parents. La démarche en elle-même me séduit et me parle. C’est donc systématiquement avec bienveillance que j’accueille ces histoires personnelles, plus ou moins chaotiques, plus ou moins poignantes, mais dont il reste toujours quelque chose pour le lecteur.
Je retiendrai de ce livre la tendresse infinie de l’autrice pour sa famille et sa quête de réponses dans la recherche de sa propre identité. Pour cela, et comme souvent, c’est dans l’enfance et ses souvenirs parfois flous, tronqués ou estompés que l’autrice plonge tête la première. En convoquant le souvenir des grands-parents chez qui elle vécut un temps, et en le superposant aux faits qu’elle est péniblement parvenue à reconstituer sur les générations précédentes, Nathacha Appanah interroge les ressorts de la mémoire intergénérationnelle et l’identité socio-culturelle.
De La mémoire délavée, je retiendrai aussi l’histoire de ces « coolies » ou « engagés ». Ces immigrés indiens débarqués à l’île Maurice pour y cultiver la canne à sucre. J’ignorais tout de leur destin, eux qui arrivèrent en renfort pour faire tourner l’activité agricole de l’île. J’ai beaucoup apprécié de découvrir ce pan de l’histoire du monde, via le prisme incarné de cette histoire familiale.
Côté style et écriture, j’ai apprécié que le récit ne se perde pas dans des détails superflus ou ne soit artificiellement étiré sur cent pages de plus. Le livre a la bonne longueur pour le propos qu’il sert, et le bon ton. On tourne les pages sans s’en rendre compte, portés par une langue simple et appropriée à ce type de témoignage. Les premières pages, très poétiques et à la ponctuation totalement décousue peuvent faire craindre un récit très tourné vers l’imagé. Mais cette entrée en matière débouche rapidement sur des développements factuels et sur un récit plus classique.
En conclusion
Preuve que La mémoire délavée a atteint son objectif : non seulement j’ai beaucoup appris, mais ce livre m’a surtout donné l’envie de découvrir les œuvres de fiction de l’autrice. Notamment Les rochers de poudre d’or qu’elle cite dans ce livre.
Lu à Saint-Germain-en-Laye en octobre 2023