Grand Prix des Lectrices Elle | Lectures

Grand Prix des Lectrices Elle 2019 : mon avis sur la sélection de Septembre

20 septembre 2018

Le Grand Prix des Lectrices Elle 2019, c’est parti !!! Cette semaine, je vous parle de la sélection de septembre, retenue par le jury. Ce sont donc trois livres que je présente d’un coup, et selon un format un peu différent de d’habitude. 

Le jury de Septembre a tranché et a sélectionné trois livres sur les sept qui lui étaient proposés, comme le règlement le prévoit.

 

La sélection de septembre

 

  •  Un gentleman à Moscou d’Amor Towles – Catégorie Roman
  • La disparition d’Adèle Bedeau de Graeme Macrae Burnet – Catégorie Policier
  • Tu t’appelais Maria Schneider de Vanessa Schneider – Catégorie Document
 

 

Verdict

 

 

Pourquoi j’ai aimé Un gentleman à Moscou 

 

Un gentleman à Moscou est un livre qui vous agrippe dès les premières pages, avec son ton joyeux et un brin espiègle. Un aristocrate que l’on assigne à résidence dans un hôtel de luxe. L’histoire n’est pas banale !

On aime tout d’abord le style agréable et fluide d’Amor Towles. Sa capacité à vous plonger dans le microcosme de l’hôtel Metropol, jusque dans ses moindres détails, est assez remarquable. Dès les premières pages, l’imagination du lecteur fonctionne à plein régime.

Chose étonnante pour une histoire qui se déroule à huit clos, ce livre est un voyage. Dans l’espace mais surtout dans le temps, car si le décor intérieur de l’hôtel semble immuable, à l’extérieur, la Russie connaît des révolutions, des guerres, change, se réinvente. Le comte Alexandre Rostov, lui, échappe à la brutalité de ce monde extérieur, reclus au sein de l’un des seuls endroits en Russie sur lequel le temps n’a pas de prise. Compagnon de la captivité dorée du comte Rostov pendant plus de 500 pages, le lecteur vit avec lui l’épreuve de l’assignation à résidence, avec ce qu’elle comporte de temps morts, d’ennui, d’anecdotes et de rencontres.

De fait, et c’est la seule critique que je formulerais, on pourra regretter quelques longueurs et l’absence de rebondissements ou de véritable intrigue. Or on comprendra plus tard que ce que l’on peut voir comme un défaut de rythme est en réalité la manière la plus juste de raconter l’histoire d’une captivité et de refléter, avec justesse, l’égrènement des heures et des jours.

Par chance, Amor Towles nous offre un protagoniste humain et attachant, à la personnalité joviale et flegmatique. Tantôt léger et plein d’esprit, tantôt plus sombre et profond, le comte est un personnage plein de relief que l’on prend plaisir à découvrir au fil des pages. Ce roman à la frontière du conte nous parle également de résilience, de relations humaines, de rapport au passé et de transmission.

Certains passages d’une grande beauté me resteront longtemps en mémoire, tout comme l’élégance et la personnalité d’Alexandre Rostov. Enfin, bravo à l’éditeur pour ce sublime livre-objet !

 

 

Pourquoi je suis mitigée sur La disparition d’Adèle Bedeau

 

La disparition d’Adèle Bedeau est un roman dont l’action se déroule dans l’atmosphère lourde, grise et décrépie de Saint Louis, petite ville alsacienne sans fard et sans intérêt. Au restaurant La Cloche, les habitués répètent inlassablement les mêmes rituels, jusqu’au jour où la serveuse, la jeune Adèle, disparaît.

Pourtant, les amateurs de rebondissements, de sensations fortes et de révélations en tout genre devront passer leur chemin. Car plus que le récit d’une enquête policière, c’est une immersion très convaincante dans la psychologie de deux personnages que nous propose l’auteur. D’un côté, il y a le suspect Manfred Baumann, un caricatural banquier célibataire peu sûr de lui, insipide, franchement pathétique et paranoïaque. De l’autre, Georges Gorski, le flic désabusé et sans envergure, hanté par ses échecs passés.

Le style, plaisant et maîtrisé, est mis au service d’une progression lente et pesante de l’intrigue, qui fonctionne bien.

Mais La disparition d’Adèle Bédeau est surtout une histoire de faux semblants, dans laquelle le lecteur est baladé dès la préface, tombe dans les pièges tendus par l’auteur et ne voit pas venir le dénouement. C’est le plus grand intérêt du roman mais également son aspect le plus frustrant. Tout ça pour ça !

 

 

Pourquoi je n’ai pas du tout adhéré à Tu t’appelais Maria Schneider

 

Dans un style maîtrisé, fluide et agréable, Vanessa Schneider mêle dans cet ouvrage souvenirs de sa célèbre cousine, à qui elle s’adresse à la deuxième personne du singulier, et morceaux choisis de sa propre vie.

Une première déception tient au fait que ce livre n’est pas véritablement une biographie mais plutôt une vision tronquée, et sans doute un peu caricaturale, d’une actrice à la dérive. Parce qu’elle n’a pas la démarche d’un biographe, Vanessa Schneider passe à côté d’un ouvrage informatif et utile sur la vie de sa cousine. Parce qu’elle est un membre de sa famille, elle tombe dans le piège d’un récit éminemment personnel, qui n’est que de peu d’intérêt pour le lecteur. Sans pour autant proposer un hommage, car ce récit abîme l’image de Maria Schneider plus qu’il ne lui rend hommage.

Bien sûr, il n’appartient pas au lecteur de remettre en cause la légitimité d’une démarche d’écriture. Écrire relève de l’intime et toute production littéraire doit être respectée.

Toutefois, j’ai ressenti un profond malaise à la lecture de ce livre.

D’abord parce qu’on a le sentiment que l’auteur n’a connu que de loin cette cousine célèbre, à laquelle elle cherche sans cesse à se raccrocher, à se comparer, tout en reconnaissant ne pas être totalement légitime pour « réinventer » ainsi sa cousine.

Ensuite, parce que de l’aveu même de l’auteur, Maria Schneider n’aurait pas aimé qu’on la raconte, et sans doute encore moins ainsi, en insistant sur ses blessures, ses travers et ses excès. « Tu estimais que cela ne regardait personne, l’alcoolisme et la folie, la bâtardise et le déclassement social, les cris et la fureur, les suicides et les internements psychiatriques, l’inceste et l’homosexualité. Tu détesterais probablement que j’en parle à nouveau». Ainsi conditionné, le lecteur se retrouve dans une position d’intrusion (pour ne pas dire de voyeurisme) dans la vie d’une femme qui n’aurait pas aimé que l’on se souvienne d’elle ainsi. C’est ce qui m’a profondément dérangée.

 

 

Voilà qui clôt mes impressions sur cette première sélection de septembre du Grand Prix des Lectrices Elle 2019 !

Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine autour d’un nouveau livre. Et, fin octobre, pour la sélection d’octobre qu’il me tarde de découvrir ! 

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