Lectures

L’ancre des rêves de Gaëlle Nohant : un roman singulier et réussi

28 décembre 2018

Si vous me suivez régulièrement, vous savez déjà que j’ai certains auteurs ‘chouchous’. Gaëlle Nohant est de ceux-là. Je l’ai découverte avec « Légende d’un dormeur éveillé », son sublimissime livre-hommage à la vie de Robert Desnos. Le coup de coeur a été confirmé par la lecture de La Part des flammes, roman historique et poétique relatant l’incendie du bazar de la charité. L’essai est à nouveau transformé avec L’ancre des rêvesun roman tout à fait différent des deux autres.

Un point commun les relie toutefois tous : l’incroyable écriture de Gaëlle Nohant. Quel que soit le genre, on retrouve avec un plaisir immense cette plume délicate et précise. Emporté, captivé, le lecteur est comme envoûté, et tourne avec avidité les pages, y compris pour être plongé dans les tréfonds du cauchemar.

 

Pourquoi ce livre ?

 

Ces dernières semaines, je suis toute à mes lectures pour le Grand Prix des Lectrices Elle. Être jurée est une tâche exigeante pour qui met un point d’honneur à consacrer son temps libre à une lecture attentive et objective. C’est donc avec un certain soulagement que j’ai profité de quelques jours entre deux sélections pour lire pour moi. Un livre de ma propre pile ! J’ai donc attrapé L’ancre des rêvesque j’avais acheté il y a plusieurs mois. 

 

Ça raconte quoi ?

 

Bretagne, milieu des années 80. Quatre frères sont emportés chaque nuit dans un monde sombre et terrifiant : celui du cauchemar. Chacun le sien et toujours le même. Quelle est la signification de ces cauchemars ? Comment éviter la folie vers laquelle ce monde parallèle un peu trop réel les pousse ? Comment se construire en s’affranchissant du poids du passé ? Et quel est le sens de cet interdit maternel qui les tient éloignés de la mer ? Lunaire sera le premier à mener l’enquête. Bravant ses peurs en cherchant à devenir acteur de son cauchemar, il se lance dans une véritable quête afin de tous les délivrer du poids du secret. 

 

Quatrième de couverture

 

« À quoi rêvent les enfants Guérindel ? Dans quelles eaux profondes errent-ils pour en revenir en nage, chaque nuit, terrifiés dans leur lit ? Benoît, Lunaire, Guinoux et Samson le nourrisson, bravent ainsi en cauchemar l’interdit maternel : la mer, cette grande inconnue. Il leur est défendu de l’approcher. Mais dans ce pays breton où le large et l’horizon se confondent, la fratrie se trouve happée par les flots, dès que la lumière s’éteint. Trois-mâts, pirates et noyades. Car dans leurs veines coule un sang salé… ».

 

Et le style dans tout ça ?

 

Comme d’habitude, le style est une grande réussite. J’aime la langue et l’écriture de Gaëlle Nohant qui parviennent à injecter de la beauté jusque dans le plus atroce cauchemar. J’ai lu ce livre d’une traite et ai tourné les pages avec délectation. 

 

Verdict

 

Bravo à Gaëlle Nohant qui ne s’enferme pas dans un genre et nous propose des livres si différents. J’ai aimé l’histoire, qui est singulière, dure mais franchement réussie. Si les thèmes de la transmission, des peurs, des non-dits sont bien entendu au coeur de ce roman, ce ne sont pas les seuls.

En effet, en marge de l’histoire principale, j’ai eu plaisir découvrir l’histoire de la Grande Pêche. L’ancre des rêves nous plonge dans l’univers des marins qui partaient de longs mois pour faire vivre les leurs. C’est l’âme d’une partie de la Bretagne qui est ainsi mise en lumière. 

Il y a toujours dans les récits de Gaëlle Nohant quelque chose qui touche à une corde sensible. Qui fait vibrer le lecteur et l’interpelle. Ce livre ne fait pas exception. 

En conclusion : un très bon moment de lecture offert par un écrivain de très grand talent.

   

Pour qui ?

 

Tout public

 

Mes passages et citations préférés

 

 » La tension lasse de ses yeux charbonneux attisait toutes ses inquiétudes. Ces yeux pleins de rage le faisaient paraitre plus âgé que ses quinze ans, on y sentait la gravité des enfants dont la vie comporte des aspérités ». (p.15)
 
 » Il avait pris cette femme dans ses bras avec sa blessure qu’il sentait palpiter contre sa peau, et il lui avait fait des enfants parce qu’on n’avait encore rien trouvé de mieux pour décupler l’instinct de vie. Ensemble, ils avaient mis au monde un désordre de vie joyeuse, complexe, déroutant ». (p.74)
 
« Dans la maison d’Ardélia, le feu donnait l’impression de s’alimenter seul, par pure générosité envers les hommes, force déployée contre la bruine humide et glacée du dehors, le tressaillement grelottant des arbres ». (p.98)

 

 » Dans cette région où les nuits froides et sifflantes réveillaient les mauvais souvenirs, il y avait assez de fantômes pour tout le monde et assez d’alcool pour les anesthésier partiellement ». (p.196)

 

 

Que lire de cet auteur ?

 

  • Légende d’un dormeur éveillé : ma chronique ici
  • La part des flammes : ma chronique ici
  

Lu en décembre 2018

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    1. Merci pour ton commentaire Nicolas ! Je partage entièrement évidemment … Et surtout j’attends de voir ce que Gaëlle Nohant nous réserve pour la suite …

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