Ça fait toujours ça, finir une saga littéraire que l’on a aimée. Un mélange subtil de satisfaction et d’amertume, une fois la dernière page lue et refermée. À travers L’enfant perdue, ce 4e opus de la série L’amie prodigieuse, je vous parle de cette œuvre hors du commun que nous a offert Elena Ferrante ces dernières années. Mon avis sur cette fin ? Une apothéose ! Pourtant, cela ne paraissait pas bien engagé …
Je vous raconte ?
Pourquoi ce livre ?
C’est une collègue qui m’a fait découvrir L’amie prodigieuse. Son enthousiasme communicatif m’avait fait faire l’acquisition de ce livre au format poche. Je décidais de lire durant l’été 2016, alors que j’étais en vacances … à Naples !
Quelle claque ! Je dois dire que tant la plume d’Elena Ferrante, la précision et la réalité de son récit que le fait de lire L’Amie prodigieuse à Naples, là où l’histoire se situe, ont fait de cette lecture une expérience à part. Et totalement inoubliable.
Puis, il y a eu Le nouveau nom, qui a achevé de me convaincre que j’étais en train de lire une œuvre littéraire majeure. J’ai été totalement emballée par le deuxième tome !
En revanche, Celle qui fuit et celle qui reste, le tome 3, m’a laissé comme un goût de déception. Au-delà du plaisir de me replonger dans la vie de personnages devenus presque familiers – et donc attachants – je l’ai trouvé plus terne, plus répétitif et globalement moins convaincant. Comment l’expliquer ? Un enthousiasme trop grand de ma part avant d’en entamer la lecture ? La tranche de vie des héroïnes, plus sombre, plus complexe ? Le fait que le récit s’éloigne de son épicentre, le petit quartier de Naples, pour se poursuivre en Toscane, à Milan ou ailleurs ? Difficile à dire …
Toujours est-il que j’ai abordé L’enfant perdue avec des attentes assez modestes, par crainte d’être déçue. Les 200 premières pages m’ont fait craindre une déception encore plus grande. Puis à partir de là, le récit a basculé pour revenir à ce que j’avais aimé tout au début de la saga. Et Elena Ferrante, nous a offert, selon moi, une fin à la hauteur de cette saga prodigieuse.
Ça raconte quoi ?
Tout a été écrit ou dit sur cette saga qui suit l’histoire de deux petites filles au cœur d’un quartier populaire de Naples. Il y a la brune effrontée Raffaela, dite Lina ou Lila, et la blonde Elena, dite Lenù. Toutes les deux sont vives, terriblement intelligentes bien que chacune le soit à sa façon. C’est une histoire d’amitié et de rivalités pas toujours saines, au cœur d’un monde complexe et violent. Car à travers leur histoire, racontée sur un demi-siècle, c’est Naples, mais aussi le sud de l’Italie qui se racontent sans fard et avec une justesse incroyable.
Le quatrième tome s’ouvre sur nos deux amies/rivales à la trentaine. L’une vit dans le Nord de l’Italie et traverse une crise conjugale et existentielle quand l’autre est restée à Naples où elle surfe sur une réussite éclatante. Ce dernier tome est celui du rapprochement, du retour aux sources et de la découverte du vrai soi. Celui où les masques tombent et les vulnérabilités éclatent au grand jour.
La quatrième de couverture (qui pour moi en dit déjà trop …)
« À la fin de Celle qui fuit et celle qui reste, Lila montait son entreprise d’informatique avec Enzo, et Elena réalisait enfin son rêve : aimer Nino et être aimée de lui, quitte à abandonner son mari et à mettre en danger sa carrière d’écrivain. Car elle s’affirme comme une auteure importante et l’écriture l’occupe de plus en plus, au détriment de l’éducation de ses deux filles, Dede et Elsa.
L’histoire d’Elena et de Nino est passionnelle, et bientôt Elena vit au gré de ses escapades pour retrouver son amant. Lors d’une visite à Naples, elle apprend que Lila cherche à la voir à tout prix. Après avoir embrassé soixante ans d’histoire des deux femmes, de Naples et de toute l’Italie, la saga se conclut en apothéose. Plus que jamais, dans L’enfant perdue, Elena Ferrante nous livre un monde complet, riche et bouillonnant, à la façon des grands romanciers du XIXe siècle, un monde qu’on n’oublie pas ».
Verdict
J’ai eu très peur. Les 100/200 premières pages de gros pavé de 549 pages étaient assez navrantes. Le tiraillement entre l’amant, le travail et les responsabilités de mère. Bref, les états d’âme de la narratrice livrés en long en large et en travers. C’était lourd, répétitif et convenu.
Au fond, je me rends compte que ce qui manquait au troisième tome et surtout au début de celui-ci, c’était Naples. Dès que la narration s’en éloignait, elle perdait en puissance et en profondeur.
Et puis, il y a eu après une centaine de pages un tournant. Un virage très net quand, du style poussif du troisième tome et du début du quatrième, je me suis sentie projetée en arrière. Alléluia !
À partir de là, j’ai retrouvé l’esprit et la flamme du premier livre. J’ai été happée, envoûtée, transportée. À chaque page, j’ai de nouveau sentie battre le cœur de Naples, et retrouvé les caractères complexes et souvent noirs des personnages, bouillonnants comme le Vésuve.
Que dire de la fin (qu’évidemment je ne vais pas révéler ;))? Une fin en point d’interrogation, mais qui fonctionne.
En conclusion, Lila et Lenù vont me manquer … Je les retrouverai avec plaisir en regardant la série qui sera diffusée dès novembre sur Rai 1 et HBO.
Mon tome préféré ?
Le premier sans doute, à moins que ce ne soit le quatrième.
Mes passages préférés
« Mais ce soir j’ai compris, une fois pour toutes : il existe en permanence un solvant qui opère lentement, avec une douce chaleur, et qui détruit tout, même quand il n’y a pas de tremblement de terre » (p.200)
« En fait, tout bougeait : la mer de feu sous la croûte terrestre, la fournaise des étoiles, les planètes, les univers, la lumière à l’intérieur des ténèbres, le silence du grand froid » (p.201).
« Il n’y avait aucun ordre repérable, juste une foule chaotique et incontrôlable dans les rues débordant de vendeurs en tout genre, de gens qui parlaient très fort, de gamins, de mendiants. Ah, aucune ville n’est aussi bruyante, assourdissante que Naples ! » (p.517)
« Ce jour-là, je me suis dit que cette histoire pourrait continuer à l’infini, racontant tantôt les efforts de jeunes gens défavorisés qui tentaient d’améliorer leur sort en piochant des livres sur de vieilles étagères – comme Lila et moi l’avions fait, enfants – tantôt l’ensemble de bavardages enjôleurs, de promesses, de tromperies et de sang qui empêchent ma ville et le monde d’aller véritablement mieux » (p.546)
La saga vous a donné envie de voyager ?
Bientôt, sur le blog, le récit de notre incroyable voyage de Naples à Capri en passant par la Côte amalfitaine.
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Commencé dans le Paris-Turin le 15 août 2018 et fini à Turin le 18 août