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Nuits Appalaches de Chris Offutt : le destin d’une famille pauvre du Kentucky

31 juillet 2023

Quel texte envoûtant ! Nuits Appalaches de Chris Offutt est de ces textes qui vous touchent, vous bouleversent et qui vous font réfléchir. Cette petite pépite est publiée chez Gallmeister et a reçu le Prix Mystère de la critique 2020 et le Grand Prix du Roman Noir Étranger du festival de Beaune 2020.

 

Pourquoi ce livre ? 

 

Déniché par hasard, sur un rayon de la bibliothèque de mon CE. Et parce que j’avais envie d’Amérique !

 

Ça raconte quoi ?

 

Kentucky, années 50. A 18 ans, Tucker est vétéran de la guerre de Corée. De retour dans ses Appalaches natales, il croise la route de Rhonda qu’il épouse presque sur le champ et avec laquelle il fonde une famille nombreuse et heureuse. Mais les enfants souffrent de handicaps, Rhonda de dépression et leur extrême précarité conduit Tucker à entrer dans la contrebande d’alcool. Le sort semble s’acharner quand les services sociaux menacent de placer les enfants. Une perspective qui réveille l’instinct de survie de Tucker. Ses réflexes guerriers aussi …

 

La quatrième de couverture 

 

« À la fin de la guerre de Corée, Tucker, jeune vétéran de dix-huit ans, est de retour dans son Kentucky natal. En stop et à pied, il rentre chez lui à travers les collines, et la nuit noire des Appalaches apaise la violence de ses souvenirs. Sur son chemin, il croise Rhonda, quinze ans à peine, et la sauve des griffes de son oncle. Immédiatement amoureux, tous deux décident de se marier pour ne plus jamais se quitter. Tucker trouve un boulot auprès d’un trafiquant d’alcool de la région, et au cours des dix années qui suivent, malgré leur extrême précarité, les Tucker s’efforcent de construire un foyer heureux : leurs cinq enfants deviennent leur raison de vivre. Mais quand une enquête des services sociaux menace la famille, les réflexes de combattant de Tucker se réveillent. Acculé, il découvrira le prix à payer pour défendre les siens ».

 

 

Et le style dans tout ça ?

 

Une fois n’est pas coutume, je choisis de laisser les mots de Chris Offut parler d’eux-mêmes …

 

« La pure immensité du ciel nocturne lui avait manqué, avec le minuscule amas des Pléiades, l’épée d’Orion et la Grande Casserole qui indiquait le nord. La lune était gibbeuse, à peine visible, comme si quelqu’un avait croqué dedans. L’opacité du ciel s’étendait dans toutes les directions. Les nuages bloquaient les étoiles, conférant à l’air une profondeur insondable. La limite des arbres avait disparu et les crêtes des collines se fondaient dans cette noire tapisserie. C’était la nuit Appalaches. Il ferma les yeux, apaisé ».

 

« Le monde lui parut beau pour la première fois, l’air nettoyé par la pluie, la surface de chaque feuille lustrée d’eau. Elle sentait l’odeur de la terre mouillée et des fleurs sauvages, entendait l’assemblée des oiseaux tisser son chant partout aux alentours ».

 

Verdict

 

Magnétique, violent, brutal et pourtant sensible, poétique et plein d’humanité. Nuits Appalaches c’est un peu tout ça. Et c’est ce juste équilibre trouvé qui rend ce roman particulièrement intéressant et réussi.

L’écriture est sublime et maîtrisée, tout en nuances et en finesse. Tout est réussi : les passages lyriques et poétiques mais également les dialogues bruts, rugueux et d’un réalisme saisissant.

J’ai tout aimé dans ce livre : l’ambiance âpre et sauvage qui règne dans ces forêts du Kentucky, si merveilleusement décrites par ailleurs. La violence de la réalité et la brutalité presque animale des interactions entre certains personnages. L’inoubliable Tucker et sa puissante personnalité. Il y a une dualité très intéressante dans ce personnage. Il est tout à la fois loyal, travailleur, intègre, droit, déterminé mais aussi violent, rancunier et prêt à tout pour obtenir justice et surtout pour protéger sa famille. Car ce qui sauve les personnages de la dureté de leur existence, c’est l’amour qu’ils se portent les uns aux autres. Une lumière au milieu de la misère et d’un quotidien abîmé.

Ce qui m’a le plus émue et plu dans ce roman, c’est précisément le rapport du personnage principal aux siens. Mari attentionné et fidèle, père aimant et investi. Sa relation avec Big Billy est bouleversante, tout comme ses échanges avec Shiny en fin de roman. Par bien des aspects, Tucker m’a fait penser au personnage du père dans Betty de Tiffany McDaniel. Son rapport avec ses enfants est magnifiquement décrit et donne lieu à certains des plus beaux passages du roman.

 

Que lire d’autre du même genre ? 

 

  • Rendez-vous au Colorado : pour la beauté des descriptions de cette vie au milieu des forêts d’Amérique.
  • Le chant des revenants : une famille pauvre du sud des Etats-Unis (même si j’ai très moyennement aimé).
  • L’empreinte et Dura Lex : pour d’autres lectures qui évoquent l’univers carcéral américain.

 

Lu à Saint-Germain-en-Laye en juillet 2023

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