Si vous cherchez votre prochaine lecture sur le Liban, ne cherchez plus … Avec Oublier les fleurs sauvages, Céline Bentz nous offre un premier roman très bien écrit, un voyage dans le quotidien d’une famille au pays du Cèdre. À découvrir chez Préludes Editions.
Pourquoi ce livre ?
Voici un livre que je n’aurais sans doute pas lu s’il n’avait pas été mis sur ma route. Et cela aurait été une erreur de passer à côté car Oublier les fleurs sauvages m’a fait sortir de mes zones de confort. Car je dois l’avouer, je ne serais jamais allée vers une histoire qui se passe au Liban, pays que je ne connais pas, encore moins dans les années 80 (pas vraiment une période de prédilection). Mais la littérature a cela de fabuleux qu’elle peut vous procurer une vive satisfaction, y compris quand vous n’attendez a priori rien d’un livre. Ici pari réussi. J’ai été intéressée et je suis contente d’avoir découvert, grâce à Préludes Editions que je remercie, la plume vraiment prometteuse de Céline Bentz.
La quatrième de couverture
« Dans la famille Haddad, on sait qu’il faut beaucoup de courage et de détermination pour échapper à un destin que l’on n’a pas choisi. C’est ainsi que les parents ont élevé leurs sept enfants; mais des quatre filles, c’est sur l’espiègle et intelligente Amal que leurs espoirs reposent: elle ira faire ses études en France, horizon lointain qui la fait rêver depuis toujours. Jusqu’au jour où la jeune fille croise la route du beau Youssef aux yeux vairons, un homme qu’elle n’a pas le droit d’aimer…
Des rues d’un pays coloré et instable aux pavillons de la banlieue de Nancy, de la chaleur du Liban aux hivers froids de l’Est de la France, après bien des obstacles, entre extase et violence, Amal connaîtra le goût amer de l’exil mais aussi celui, infini, de la liberté« .
Ça raconte quoi ?
Un roman ou un récit romancé ? Voilà la question que je me suis posée tout au long de cette lecture. Et je pense ne trahir aucun secret en disant que ce texte est davantage un récit familial qu’un roman. D’ailleurs, l’auteur le confesse elle-même dans sa post-face : cette histoire est celle de sa mère. Je ne parlerais donc pas d’un roman mais plutôt d’une biographie romancée.
« C’est pour garder une trace de ces aventures entrecroisées et conditionnées par le destin du monde que j’ai décidé de condenser tous les épisodes dont j’avais connaissance dans les pages qui précèdent. Lorsque la matière m’a manqué, je me suis laissé guider par l’imagination ».
Années 80. Née au Liban au sein d’une famille nombreuse, la jeune Amal porte sur ses épaules les ambitions de tout un clan. Travailleuse et déterminée, l’adolescente quittera bientôt la guerre qui fait rage pour Nancy, en France, où l’attendent des études de médecine. Oublier les fleurs sauvages nous plonge dans la torpeur de ce dernier été libanais. Pour Amal, c’est le temps de tous les changements : quitter un pays, une famille, une langue pour tout recommencer ailleurs. Une perspective qui la tiraille entre vertige et excitation. Tout se complique lorsque son frère militant disparaît du jour au lendemain. Puis lorsque sa route croise celle du beau Youssef, un charismatique et riche chrétien.
Oublier les fleurs sauvages est un magnifique récit-témoignage. Un hommage tant à la famille de l’auteur qu’au pays de ses origines : le Liban. C’est un livre « ambiance » qui ouvre une fenêtre sur l’âme du Liban. C’est aussi l’histoire d’un amour improbable et forcément impossible face aux préjugés et aux haines que se vouent les différentes communautés qui composent la société de l’époque. Enfin, c’est un livre sur la difficulté de s’affranchir de sa condition dans un pays en guerre, de s’inventer loin de chez soi et de concilier deux identités.
« J’ai repensé aux bribes entendues, aux tirades évasives, et je me suis dit que ces parcours de vie, chaotiques et chamboulés, étaient infiniment trop romanesques pour tomber dans les oubliettes de la grande Histoire, qu’ils pourraient utilement éclairer ».
Et le style dans tout ça ?
Un premier roman ? Ça ne se ressent à aucun moment tant la qualité et la maturité de l’écriture sont au rendez-vous. À plusieurs reprises lors de ma lecture, je me suis fait la réflexion suivante : l’histoire est intéressante, oui, mais j’apprécie surtout cette lecture pour la qualité de l’écriture de Céline Bentz. Un vocabulaire riche et choisi, une parfaite maîtrise des temps et de la ponctuation (ce qui est rare de nos jours). Bref, une réussite et 340 pages qui font du bien à la langue française.
Verdict ?
J’ai beaucoup aimé parcourir ce fragment d’histoire familiale et me plonger dans l’atmosphère si particulière du Liban des années 80.
Pour moi la réussite de cet ouvrage tient à deux choses : l’écriture et le plongeon au coeur de l’âme du Liban. L’histoire de la famille de l’auteur n’est certes pas d’une originalité folle mais l’intérêt est ailleurs. Car cette histoire est surtout prétexte à dresser le portrait de la société de l’époque, à retranscrire une ambiance et à évoquer toutes les composantes de la complexe identité libanaise. Et c’est très bien fait !
Du côté des moins, j’aurais aimé des chapitres plus courts pour faciliter la progression dans le livre et insuffler un peu de rythme. Ne connaissant strictement rien à l’histoire du Liban, ce que je confesse honteusement, j’ai été perdue dans le contexte politique et les évènements qui sont narrés. Il aurait été utile pour le lecteur profane d’avoir une préface retraçant un peu l’histoire du Liban, les enjeux géopolitiques de l’époque et les forces en présence.
Rien toutefois qui ne remette en cause mon avis globalement très positif sur ce livre et son auteur. Hâte de savoir ce qu’elle publiera par la suite !
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Lu en novembre 2021 à Paris