Pourquoi ce livre ?
« S’abandonner à vivre » : quel beau programme, non ? Vous l’aurez deviné, c’est le titre qui m’a attirée. Il se trouve que le livre était sur ma « read-list » depuis longtemps. Et puis, il y a quelque temps, j’ai vu Sylvain Tesson à la Grande Librairie sur France 5, ce qui a achevé de me convaincre. J’aime la personnalité de cet auteur. C’est un « baroudeur éclairé » et je dois avouer qu’il me fascine.
La quatrième de couverture
« Devant les coups du sort il n’y a pas trente choix possibles. Soit on lutte, on se démène et l’on fait comme la guêpe dans un verre de vin. Soit on s’abandonne à vivre. C’est le choix des héros de ces nouvelles. Ils sont marins, amants, guerriers, artistes, pervers ou voyageurs, ils vivent à Paris, Zermatt ou Riga, en Afghanistan, en Yakoutie, au Sahara. Et ils auraient mieux fait de rester au lit ».
À quoi vous attendre …
Pour moi, la quatrième de couverture ne fait pas justice à ce qu’est véritablement ce livre. Voici donc un recueil de 19 nouvelles, tantôt dramatiques tantôt cocasses. On fait l’expérience de l’extraordinaire de vies ordinaires.
Elles sont courtes et très rythmées. Si vous manquez de temps, c’est le livre qu’il vous faut. Car il est facile de consacrer 10 minutes par jour à ces petites histoires courtes.
Pourquoi je le recommande
D’abord et avant tout pour l’écriture. Sylvain Tesson écrit merveilleusement. C’est cash, ciselé, précis et à la fois profond et juste.
Ensuite parce qu’en deux jours, j’ai suivi le parcours d’un migrant africain, plongé dans un bar russe, accompagné le trajet d’un facteur, escaladé une montagne au Maghreb, passé Noël dans un téléphérique suisse etc … Bref, j’ai voyagé !
Les histoires elles-mêmes sont extrêmement variées. Elles sont reliées entre elles par un fil : l’idée d’un certain fatalisme face aux évènements. C’est vers la fin du livre, dans « Le train« , que l’on découvre ce que signifie « s’abandonner à vivre ». Même si les nouvelles ne finissent pas toujours bien (et d’ailleurs souvent mal), il s’en dégage paradoxalement une grande force de vie.
Enfin, Sylvain Tesson cite Les braises de Sandor Marai. Comme j’ai adoré ce livre (dont je vous parlerai très bientôt), j’ai été ravie de cette référence.
Mes nouvelles préférées
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Les amants
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La bataille
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Le sniper
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La lettre
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L’insomnie
Morceaux et citations choisis
Ce qui m’a fait sourire
« Une de ces soirées où les Parisiens se prennent pour des New-Yorkais en s’accueillant à grands sourires et tapes dans le dos et en se servant des scotchs dans des appartements trop petits pour que ça fasse illusion ».
« Ces marathons urbains sont l’illustration dominicale de la maladie mentale moderne. Vingt mille hamsters échappés de la cage donnent leurs petits assauts égotiques sur le bitume ».
Sur le temps qui passe
« On s’ennuyait à crever, mais il n’était pas question d’aller dormir. Nous avions peur de vieillir et nous voulions pas risquer d’attraper des rides en fermant l’oeil. Nous étions des veilleurs de nuit, nous surveillions nos vies ».
« Il avait l’obsession du temps. Il souffrait physiquement de l’accroissement des heures. Les crépuscules étaient des défaites. L’aube annonçait l’annonce du sacrifice de la journée ».
Sur l’amour
« Le pôle Sud et le pôle Nord ont un point commun : le pivot du monde les transperce. Chez Rémi et Caroline, il n’y avait pas d’axe, seulement l’attraction des antipodes. Cette anomalie leur tenait lieu de mortier ».
« Ils s’aimaient, éberlués par ce qui les séparait. Leur amour procédait de la fascination des gouffres. Ils s’aimaient à travers une plaine ou, plutôt, d’une rive à l’autre. Au milieu coulait leur vie ».
Sur le voyage
« Caroline ne rêvait que de voyages. L’avion était son pays, son rêve climatisé. Elle aurait passé sa vie dans les terminaux (…) Elle aimait sillonner, à fond, des villes ocre et brûlantes, toscanes ou marocaines, striées de ruelles nerveuses qui explosent sur des placettes aveuglantes ».
« La suite fut l’enchantement dont nous avions rêvé. Il est rare, en voyage, de vivre des jours conformes aux idées que l’on s’était forgées avant les grands départs. D’habitude, voyager c’est faire voir du pays à sa déception ».
Sur la vie
« Tout ce qui bouleverse la vie advient fortuitement. Le destin ressemble à ces seaux d’eau posés en équilibre sur la tranche des portes. On entre dans la pièce, on est trempé. Ainsi va l’existence ».
« Il appartenait à l’espèce des gens qui goûtent encore la saveur des spectacles cent fois admirés, des sensations cent fois éprouvées. Et la certitude de les connaître encore l’enchantait davantage que les promesses de l’imprévu ».
« Les adeptes du pofigisme, écrasés par l’inéluctabilité des choses, ne comprennent pas qu’on s’agite dans l’existence. Pour eux, lutter à la manière des moucherons piégés dans une toile d’argiope est une erreur, pire, le signe de la vulgarité. Ils accueillent les oscillations du destin sans chercher à en entraver l’élan. Ils s’abandonnent à vivre ».
Autres
« Ce conflit, c’était un combat de rhinocéros contre des caméléons. Mené dans un labyrinthe ».
« Il n’était qu’un suiveur et possédait ce qu’il fallait de recul pour en souffrir. La médiocrité et la lucidité font mauvais ménage ».
« Quand vous jetez la lettre, vous jetez les dés. Les fentes d’une boîte sont à sens unique et les lettres, comme les morts, voyagent vers leur sort. Vous les ensevelissez, elles ne reviennent pas de ce petit tombeau jaune ».
Du même auteur …
J’ai lu Berezina en décembre 2015. Il y a plein de passages que j’ai adoré. L’aventure en elle-même est amusante et on voyage dans le temps et dans l’espace. Mon impression globale était positive mais sans plus.
Sur ma read-list Sylvain Tesson :
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Sur les chemins noirs (Gallimard 2016)
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Une très légère oscillation (Équateurs 2017).
Promis, je reviens vous en parler très vite !!!
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S’abandonner à vivre est disponible aux Éditions Folio Gallimard
Lu en deux jours en juillet 2017 – Dans mon hamac !