Lectures

Une très légère oscillation de Sylvain Tesson : un concentré d’esprit

10 novembre 2017

Ce vendredi, petite pause entre deux romans pour me plonger dans le journal de bord de Sylvain Tesson avec Une très légère oscillation, publié aux Éditions des Équateurs.

Atypique ! Voilà qui décrit bien cet ouvrage tantôt léger et drôle, tantôt grave et cynique. Une bien belle balade dans l’univers d’un auteur.

 

Pourquoi ce livre ?

 

Si vous me suivez régulièrement, vous savez que j’aime beaucoup Sylvain Tesson. Je trouve son écriture précise et profonde et suis par ailleurs toujours fascinée par ce qu’il a à proposer.

 

Ca raconte quoi ?

 

Dans ce journal de bord, rédigé entre 2014 et 2017, Sylvain Tesson couche sur le papier tout ce qui lui passe par la tête. Aphorismes amusants, réactions à chaud sur l’actualité, développements profonds sur l’état du monde. Attendez-vous à être promené dans tous les sens et à sauter en permanence du coq à l’âne.

C’est évidemment ce qui fait toute la richesse de ce livre, qu’on lit d’une traite ou presque, sans s’ennuyer une seule seconde. 

 

Et le style ?

 

C’est du Tesson ! C’est cash, percutant, décapant parfois grinçant et toujours profond. Et personnellement, j’adore. Je vous renvoie à ce que j’en avais écrit dans ma chronique de S’abandonner à vivre.

 

Verdict

 

En résumé, je n’ai jamais été déçu en lisant Sylvain Tesson. De plus, la forme du journal intime est intéressante car elle permet de s’affranchir d’une progression logique de la narration ou d’un thème unique.

Même sous cette forme particulière, j’ai bien retrouvé ce que j’aime chez cet auteur. L’évasion, le style, et l’absence totale de langue de bois. C’est on ne peut plus savoureux … Donc, je le conseille sans réserve.

 

Mes citations et passages préférés …

 

Sur le journal …

 

 

 

« Le journal est la bouée de sauvetage dans l’océan de ces errements. On le retrouve au soir venu. On s’y tient. On s’y plonge pour oublier les trépidations, on y confie une pensée, le souvenir d’une rencontre, l’émotion procurée par un beau paysage ou, mieux, par un visage, ce paysage de l’âme. On y note une phrase, une colère, un enthousiasme, l’éblouissement d’une lecture. Chaque soir, on y revient. On lui voue sa fidélité. La seule qui vaille. La seule qui tienne. Le journal est une patrie ».
 
« Grâce à lui, le sismographe intérieur se calme. Les affolements du métronome vital qui explorait le spectre à grands coups paniqués se réduisent alors à une très légère oscillation ».
 
 
Sur les arbres

 

« Les arbres m’apprennent la discrétion. J’admire leur retenue, leur timidité. Aucune frondaison ne s’emmêle aux autres. Aucun tronc ne nuit à ses voisins. Les arbres ont l’infinie noblesse de ne pas se toucher. Chaque tire de la terre la force de se hisser au ciel, en silence.
 
« Les arbres nous enseignent une forme de pudeur et de savoir-vivre (…) Chacun est appelé à naître, à vivre, à mourir, à se décomposer – à assurer aux générations suivantes un terreau de croissance supérieur à celui sur lequel il avait poussé. Chaque arbre reçoit et transmet. Entre les deux, il se maintient. La forêt ressemble à ce que devrait être une culture.

 

 
Sur Paris

 

« Chaque jour, Paris changeait. Le ciel imprimait d’imperceptibles nuances sur la ville. Paris prend mieux la lumière d’orage que la clarté d’azur. Tout ciel tragique grandit une ville ».
 
« Les gargouilles avaient été dessinées par Viollet-le-Duc. Elles surveillaient les parisiens depuis un siècle et demi. Elles assistaient au retour des ivrognes en pleine nuit, aux baisers clandestins des amants de l’aube, aux cavalcades des voyous et des flics. (…) étaient la mémoire de la ville ».
 
Sur le monde moderne

 

« Quelle chose étrange cette avidité de clichés chez des gens qui se pensent originaux. Quelle indigestion cette boulimie d’images. Plus tard, ils regarderont les photos et regretteront que le moment consacré à les prendre leur a volé le temps où ils auraient pu s’incorporer au spectacle, en jouir de tous leurs sens et, le regard en haleine, célébrer l’union de l’œil avec le réel ».
 
« Pour lutter contre l’abattement moral : fermer les écrans et ouvrir des livres au hasard. Dans ces circonstances, des phrases sautent aux yeux, transmettent leurs forces mantiques».
 
Sur le voyage 

 

« Voyager, c’est  croire que la distance amènera de la profondeur ». 
 
 « Le Parisien ne va pas au Louvre, le Moscovite ignore le musée Pouchkine, les Madrilènes négligent le Prado. Puis, chacun court le monde, pour se jeter dans des musées lointains. Voyager est absurde ».

 

Autres …
 
« J’ai l’impression de sortir d’une cathédrale où viendraient d’être célébrées les fiançailles de la mer, du soleil, des falaises et des gouffres ».

 

« Pour poser problème aux archéologues du futur, je me ferai inhumer revêtu d’une houppelande franque du Ive siècle, coiffé d’une tiare des papes d’Avignon, paré de torques scythes, d’un étui pénien papou, chaussé de santiags avec, dans un poing, un pilum romain, dans l’autre un téléphone, et des petits silex paléolithiques plein les poches. Ils seront bien englués, les savants de l’an 3000 ! »

 

« « Ne perdez pas votre chance unique dans toute l’éternité, ne manquez pas votre unique matinée de printemps ». La seule leçon que nous donnent les morts, c’est de nous hâter de vivre. De vivre plus, de vivre avidement. De s’échiner à un surplus de vie. De tout rafler. De bénir tout instant. Et d’offrir ce surcroît de vie à eux ; les disparus, qui flottent dans le néant, alors que la lumière du soir transperce les feuillages ».
 
« Il ne faut tout de même pas trop en demander aux abrutis ».
 

 

Mes chapitres préférés 

 

  • A Confrecourt : poignant !
  • Lire entre les lignes (de train) : j’ai bien ri
  • Voile : (drôle et tellement juste)
  • Notre Dame du bon secours
  • Charlie Héros

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