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Les huit montagnes de Paolo Cognetti : absolument sublime !

8 décembre 2017

Qu’il est de bon de revenir à des choses simples. Avec Les Huit Montagnes de Paolo Cognetti, je vous propose une respiration au contact de la nature. Une bulle pour déconnecter et se focaliser sur l’essentiel. Ce roman est publié aux Éditions Stock et a récemment reçu le Prix Médicis Étranger 2017. Une récompense largement méritée !

 

Pourquoi ce livre ?

 

Une histoire qui se passe dans la montagne en Italie, pas très loin de l’endroit où je passe moi-même une partie des vacances. Une histoire d’amitié et d’apprentissage. Et la relation complexe et fondamentale d’un père et son fils. En fallait-il davantage pour me convaincre ? Évidemment non. J’ai donc attendu sagement (et longtemps) qu’il soit disponible en bibliothèque. Et j’ai vraiment bien fait de ne pas me décourager car Les huit montagnes en valent largement la peine.

 

Ca raconte quoi ?

 

Il y a trois histoires dans ce livre au cours duquel on suit le narrateur de l’enfance à l’âge adulte. Trois grands thèmes parfaitement imbriqués pour former un tout cohérent, la colonne vertébrale de notre narrateur en quelque sorte. 

Il y a d’abord un roman d’apprentissage. C’est l’histoire d’un enfant unique qui a grandi en ville, à Milan, auprès d’un père qui ne rêvait que de montagnes et de grands espaces. On le suit dans sa découverte d’un autre monde, celui de la montagne et du grand air. Là, il y fait la connaissance d’un jeune montagnard de son âge. Ensemble, vacances après vacances, ils parcourent les chemins et font l’apprentissage de la vie. Il y a dans cette amitié quelque chose de dépouillé, de profond, d’essentiel. C’est le fil conducteur de ce roman délicat.

Il y a ensuite le thème de la relation père-fils. L’amour tout en pudeur, la difficulté à se comprendre, l’apprentissage, la transmission, le carcan des regrets. Je ne veux pas en dévoiler davantage … À vous de découvrir tout cela. 

Enfin, il y a le rapport à la montagne et le thème de l’ancrage. Il est alors question du lien, de l’attachement viscéral, qui rattache encore et toujours un homme à un lieu. On y découvre l’importance que peuvent prendre quatre murs et un toit fragile dans la vie d’un être humain. On partage tantôt l’envie de fuir très loin, tantôt l’urgence encore plus forte d’y revenir. Ainsi plongé en pleine nature, merveilleusement décrite par Paolo Cognetti, le lecteur s’affranchit de son quotidien pour une parenthèse de sérenité.

C’est aussi un roman presque philosophique qui donne beaucoup à réfléchir sur le sens de la vie au sens large, qui met le doigt sur l’importance de certaines choses et la futilité de certaines autres. En cela, le titre, qui vous le verrez à une signification bien particulière, est particulièrement bien choisi. Il y a un message fondamental dans ce livre, une leçon de vie. Et c’est au bout du monde que le narrateur découvrira cette vérité essentielle. Celle qui était là, juste sous ses yeux. 

 

La quatrième de couverture

 

« Pietro est un garçon de la ville, Bruno un enfant des montagnes.  Ils ont 11 ans et tout les sépare. Dès leur rencontre à Grana,  au coeur du val d’Aoste, Bruno initie Pietro aux secrets de la  montagne. Ensemble, ils parcourent alpages, forêts et glaciers,  puisant dans cette nature sauvage les prémices de leur amitié. Vingt ans plus tard, c’est dans ces mêmes montagnes et auprès  de ce même ami que Pietro tentera de se réconcilier avec son  passé – et son avenir. Dans une langue pure et poétique, Paolo Cognetti mêle  l’intime à l’universel et signe un grand roman d’apprentissage  et de filiation ».

 

Verdict

 

Quelle réussite ! Voilà un livre que je porterai longtemps en moi. Pourquoi ? Parce qu’il nous parle de la vie, tout simplement. D’amitié, d’amour, de valeurs, de notre rapport à ce et ceux qui nous entourent, de l’essentiel. J’en recommande sans réserve et avec beaucoup d’enthousiasme la lecture.

D’ailleurs, spoiler alert, quelqu’un le découvrira dans sa pile de cadeaux le 25 décembre au matin !

 

Et le style dans tout ça ?

 

Précis, choisi, puissant sont autant d’adjectifs qui qualifient bien le style de Paolo Cognetti. Chaque phrase sonne juste. L’auteur nous emporte avec lui sur les chemins de montagne, par-dessus les ruisseaux, dans de vieilles cabanes. Ce livre m’a transportée. Tant d’authenticité m’a fait du bien.

Il y a des descriptions d’une beauté incroyable, des émotions dévoilées avec pudeur, des personnages attachants. Le tout porté par un style qui m’a touchée.

 

Mes citations et passages préférés

 

« Ce qu’elle regrettait, c’était surtout nos déplacements incessants. Elle voulait une maison où faire son nid et un village auquel revenir, c’est ce qu’elle demandait souvent à mon père »
 
« Ma mère profitait de ce moment de répit pour s’asseoir dans le canapé ou sur le lit et se plonger dans un roman : pendant une heure ou deux, elle se laissait happer, et c’était comme si elle n’était plus là pour personne ».
 
« Il m’apprenait un dialecte qui sonnait plus juste que l’italien à mes oreilles, comme si, en montagne, il me fallait remplacer la langue abstraite des livres par la langue concrète des choses ».
 
« Je me dis que cet autre père, je l’avais toujours eu à mes côtés mais ne l’avais jamais remarqué parce que le premier  prenait toute la place, et je me mis à penser qu’un jour je devrais, ou pourrais, lui donner une seconde chance »
 
« Les nuages cachaient les montagnes et aplatissaient les choses, mais même par un matin pareil, j’arrivais à saisir la beauté de l’endroit. Une beauté sombre, rude, qui n’inspirait pas la sérénité mais la force, et un peu d’angoisse. La beauté de l’envers ». 
 
« J’avais l’impression d’être passé à côté du plus important, pendant que je me consacrais à d’autres choses si futiles que je n’aurais même pas su dire ce que c’était ».
 
« De mon père, j’avais appris, longtemps après avoir arrêté de le suivre sur les sentiers, que dans certaines vies il existe des montagnes auxquelles il est impossible de retourner. Que dans les vies comme la mienne ou la sienne, il est impossible de retourner à la montagne qui est au centre de toutes les autres, et au début de l’histoire de chacun ».
 
« Le soleil, qui illuminait les cimes du Grenon, n’était pas encore arrivé jusque dans la vallée, et le lac gardait une qualité nocturne, comme le ciel quand il ne fait plus nuit noire et que le jour tarde à venir ».
 
« Je ne me rappelais plus très bien les raisons qui m’avaient fait m’éloigner de la montagne, ni ce que j’avais aimé d’autre quand je ne l’avais plus aimée elle, mais j’avais l’impression, en la remontant chaque matin en solitaire, que nous faisions lentement la paix ». 
 
« Bruno et moi vivions peut-être bien le rêve de mon père, nous nous étions retrouvés dans une pause de nos existences : celle qui met fin à un âge et en précède un autre, même si ça, nous ne le comprendrions que plus tard ».

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