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La femme révélée de Gaëlle Nohant : exil dans le Paris de l’après-guerre

17 mars 2020

Je vous emmène dans le Paris de l’après-guerre à la rencontre de La femme révélée. Ce nouvel opus de Gaëlle Nohant, je l’attendais avec une immense impatience. C’est fin 2017 que je suis tombée entièrement sous le charme de la plume envoûtante de l’auteur avec l’excellent Légende d’un dormeur éveillé. S’en est suivie la lecture compulsive de ses deux précédents livres. D’abord La part des flammessublime roman historique narrant l’incendie du Bazar de la Charité (bien avant la série très moyenne de TF1). Puis, L’ancre des rêvesun roman surprenant entraînant le lecteur en plein coeur des cauchemars singuliers d’une fratrie bretonne.

Elle n’écrit jamais deux fois le même livre, Gaëlle Nohant ! Quel plaisir de changer toujours d’époque, de lieu, de thème, de type de protagonistes. Chacun de ses livres est une découverte totale. C’est suffisamment rare pour être souligné et apprécié.

La femme révélée est un roman publié aux Éditions Grasset.

Pourquoi ce livre ? 

 

Parce que Gaëlle Nohant ! Avec Léonor de Recondo, Pierre Lemaitre et Franck Bouysse, Gaëlle Nohant fait partie des auteurs dont j’ai le plus apprécié la plume ces dernières années. Un nouveau roman était forcément un must. Aussi, dès que j’ai eu la possibilité de le lire, je lui ai donné la priorité malgré une PAL bien chargée.

 

Ça parle de quoi ? 

 

Qui est donc cette « femme révélée » ? Autant le dire, je n’aime pas beaucoup ce titre que je trouve un peu quelconque et un peu guimauve. Il ne rend pas justice au portrait de Violet, la protagoniste de ce roman. Lorsque Violet s’appelait Eliza, elle vivait avec mari et enfant à Chicago. Évoluant dans les sphères de ces nouveaux riches ayant fait fortune dans l’immobilier et les affaires, elle menait une vie confortable. Jusqu’au jour où un évènement la pousse à fuir précipitamment. C’est à Paris qu’elle se cache alors, sous une nouvelle identité. À travers la ville et les rencontres, Violet cherche à oublier un passé douloureux qui la poursuit et à surmonter la culpabilité d’avoir laissé derrière elle son petit garçon. Un retour est-il possible ? Quel est le prix de la liberté pour cette femme affranchie ?

En toile de fond, c’est tout le Paris insouciant de l’après-guerre qui défile. Comme dans Légende d’un dormeur éveillé, la ville et ses quartiers sont très présents et contribuent à ancrer l’histoire dans un décor convaincant et vivant. En miroir, on découvre le Chicago de l’ère moderne. En pleine expansion et en proie à des luttes sociales et raciales et traversée par la question des droits civiques. Un parallèle intéressant qui plonge le lecteur dans un roman quasi historique en deuxième partie.

La femme révélée, c’est enfin (et peut-être surtout), une merveilleuse ode à la photographie. Véritable oeil sur le monde, à la fois témoin de l’instant et vecteur d’émotions. Violet parcourt ainsi des villes et son siècle et y immortalise des visages. Des visages qui figés sur papier racontent pourtant des histoires profondes et symbolisent les blessures intimes ou collectives du temps, présent ou passé.

 

La quatrième de couverture 

 

Paris, 1950. Eliza Donneley se cache sous un nom d’emprunt dans un hôtel miteux. Elle a abandonné brusquement une vie dorée à Chicago, un mari fortuné et un enfant chéri, emportant quelques affaires, son Rolleiflex et la photo de son petit garçon. Pourquoi la jeune femme s’est-elle enfuie au risque de tout perdre  ?
Vite dépouillée de toutes ressources, désorientée, seule dans une ville inconnue, Eliza devenue Violet doit se réinventer. Au fil des rencontres, elle trouve un job de garde d’enfants et part à la découverte d’un Paris où la grisaille de l’après-guerre s’éclaire d’un désir de vie retrouvé, au son des clubs de jazz de Saint-Germain-des-Prés. A travers l’objectif de son appareil photo, Violet apprivoise la ville, saisit l’humanité des humbles et des invisibles.
Dans cette vie précaire et encombrée de secrets, elle se découvre des forces et une liberté nouvelle, tisse des amitiés profondes et se laisse traverser par le souffle d’une passion amoureuse.
Mais comment vivre traquée, déchirée par le manque de son fils et la douleur de l’exil ? Comment apaiser les terreurs qui l’ont poussée à fuir son pays et les siens ?  Et comment, surtout, se pardonner d’être partie  ?
Vingt ans plus tard, au printemps 1968, Violet peut enfin revenir à Chicago. Elle retrouve une ville chauffée à blanc par le mouvement des droits civiques, l’opposition à la guerre du Vietnam et l’assassinat de Martin Luther King. Partie à la recherche de son fils, elle est entraînée au plus près des émeutes qui font rage au cœur de la cité. Une fois encore, Violet prend tous les risques et suit avec détermination son destin, quels que soient les sacrifices.
Au fil du chemin, elle aura gagné sa liberté, le droit de vivre en artiste et en accord avec ses convictions. Et, peut-être, la possibilité d’apaiser les blessures du passé. Aucun lecteur ne pourra oublier Violet-Eliza, héroïne en route vers la modernité, vibrant à chaque page d’une troublante intensité, habitée par la grâce d’une écriture ample et sensible.

 

Et le style dans tout ça ? 

 

Délicat, sensible, rempli d’humanité. La femme révélée est un roman que j’ai beaucoup aimé lire. Articulée autour de chapitres courts et sans longueur, la narration est plaisante. Précise, convaincue et non dénuée d’une certaine poésie. La marque de fabrique de Gaëlle Nohant en somme !

Par principe, je suis assez hostile aux récits écrits à la première personne. Ce n’est juste pas mon truc. Pourtant, dans ce livre, ça fonctionne assez bien et je n’ai pas été gênée par ce trait.

 

Verdict 

 

Oui, j’ai beaucoup aimé ce livre. Alors oui, l’histoire n’est pas d’une originalité folle. On lit ce roman sans jamais être surpris par un twist et on en prévoit facilement le déroulement.

Mais rassurez-vous, l’intérêt est ailleurs … Car ce livre est riche de nombreuses forces. D’abord, la qualité de l’écriture et la délicatesse de la narration qui garantissent le plaisir et la fluidité de la lecture. Ensuite, les nombreux thèmes qui sont tantôt explorés, tantôt effleurés. Gaëlle Nohant nous parle d’exil, de courage, de maternité, d’amitié, d’esprit de découverte et d’esprit critique, de ces petites et de ces grandes luttes qui marquent une vie. C’est enfin et pour moi surtout ce regard sur une époque, capturé par l’objectif du Rolleiflex de Violet. De ce livre, je garderai en mémoire les nombreux portraits égrenés au fil de pages, tels une immense mosaïque illustrant les multiples facettes d’une même humanité.

 

Que lire de cet auteur ?

 

En cliquant sur les liens ci-dessous, (re)découvrez mes chroniques sur les trois autres livres de Gaëlle Nohant.

 

Lu à Paris en mars 2020

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