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Le bureau d’éclaircissement des destins de Gaëlle Nohant : devoir de mémoire

25 mars 2023

En préambule, je voudrais indiquer que j’aime énormément l’écriture de Gaëlle Nohant. J’ai lu tout ce qu’elle a écrit, toujours avec un grand plaisir, notamment son merveilleux roman sur Robert Desnos (un vrai coup de coeur). Le Bureau d’éclaircissement des destins, son dernier livre publié chez Grasset, m’a un peu moins emportée malgré de vraies qualités. Je vous parle aujourd’hui de ce ressenti en demi-teinte.

 

Pourquoi ce livre ?

 

Parce que Gaëlle Nohant … Et parce que la promesse me plaisait bien.

 

La quatrième de couverture

 

« Au cœur de l’Allemagne, l’International Tracing Service est le plus grand centre de documentation sur les persécutions nazies. La jeune Irène y trouve un emploi en 1990 et se découvre une vocation pour le travail d’investigation. Méticuleuse, obsessionnelle, elle se laisse happer par ses dossiers, au regret de son fils qu’elle élève seule depuis son divorce d’avec son mari allemand.
A l’automne 2016, Irène se voit confier une mission inédite : restituer les milliers d’objets dont le centre a hérité à la libération des camps. Un Pierrot de tissu terni, un médaillon, un mouchoir brodé… Chaque objet, même modeste, renferme ses secrets. Il faut retrouver la trace de son propriétaire déporté, afin de remettre à ses descendants le souvenir de leur parent. Au fil de ses enquêtes, Irène se heurte aux mystères du Centre et à son propre passé. Cherchant les disparus, elle rencontre ses contemporains qui la bouleversent et la guident, de Varsovie à Paris et Berlin, en passant par Thessalonique ou l’Argentine. Au bout du chemin, comment les vivants recevront-ils ces objets hantés ?
Le bureau d’éclaircissement des destins, c’est le fil qui unit ces trajectoires individuelles à la mémoire collective de l’Europe. Une fresque brillamment composée, d’une grande intensité émotionnelle, où Gaëlle Nohant donne toute la puissance de son talent. ».

 

Ça raconte quoi ? 

 

Le bureau d’éclaircissement des destins suit le quotidien d’Irène, chargée de restituer des objets retrouvés dans les camps de concentration aux familles des déportés. Un travail d’enquête méticuleux qui la confronte aux horreurs commises par l’Allemagne nazie. Une véritable vocation au service de la vérité et des vivants. Si l’International Tracing Service existe bel et bien, ce livre est une oeuvre de fiction très réaliste. Au point qu’elle fait presque penser à un travail journalistique. Au fil des pages, il est donné au lecteur de plonger dans plusieurs destins souvent tragiques, des descriptions à la limite du soutenable et des vrais moments d’humanité. Une mosaïque intéressante qui sert efficacement le devoir de mémoire.

 

Et le style dans tout ça ?

 

Comme je le disais en préambule, j’aime beaucoup la plume de Gaëlle Nohant. Très construite, maîtrisée et délicate, elle m’a souvent bluffée par ses qualités poétiques. De tous ses romans, c’est pourtant celui dont l’écriture m’aura le moins touchée. C’est toujours très bien écrit bien sûr et je chipote sans doute. il m’a manqué un peu de cette flamme qui m’avait bouleversée dans Légende d’un dormeur éveilléDe cet élan voire de cette fougue qui m’avait bien plu dans La femme révélée.

 

Verdict ?

 

J’ai trouvé l’idée du roman excellente et il est important que quelqu’un ait écrit ce livre. J’avais vaguement entendu parler de l’existence de cet International Tracing Service et découvrir plus précisément ses missions et son fonctionnement m’a beaucoup intéressée. Le bureau d’éclaircissement des destins rajoute une pierre importante à l’édifice de la mémoire collective sur la seconde guerre mondiale et sur les atrocités commises par les nazis. Gaëlle Nohant donne ainsi un visage à ces milliers d’anonymes déportés et à tous ceux dont les familles ont été à jamais marquées par la Shoah. Il est intéressant aussi, pour une fois, de se pencher également sur le ressenti des générations qui ont suivi.

Autre point très positif : il y a la bonne dose d’émotion dans ces différents récits. Gaëlle Nohant réussit ainsi à transmettre des histoires lourdes avec pudeur, délicatesse et une grande justesse, sans jamais tomber dans le caricatural ou le pathos. C’est souvent un piège lorsque l’on aborde des sujets aussi sensibles et Gaëlle Nohant s’en sort admirablement. C’est poignant, marquant, parfois bouleversant mais jamais dans l’excès.

Deux aspects ont un peu moins marché pour moi dans ce roman. D’abord, je n’ai absolument pas adhéré au personnage principal que j’ai trouvé très lisse. Trop lisse. J’ai eu plus de plaisir à découvrir les histoires sous-jacentes qu’à suivre sa trajectoire à elle qui m’a ennuyée, ce qui est un peu dommage.

Ensuite, il m’aura sans doute manqué aussi un peu plus de rythme dans la narration qui, malgré les sauts d’une histoire à une autre, était très linéaire. J’ai eu plus l’impression de lire un document, une enquête journalistique, qu’un roman. C’est un parti-pris très respectable de Gaëlle Nohant mais je me serais attendue à quelques rebondissements, un peu à la manière d’un polar, pour donner un peu plus de relief au tout. Enfin, c’est mon ressenti personnel qui vaut ce qu’il vaut.

Ça reste un livre dont je recommande la lecture.

 

Que lire d’autre de Gaëlle Nohant ?

 

Retrouvez les liens vers mes chroniques des autres livres de Gaëlle Nohant :

 

Commencé dans un Paris-Marrakech et terminé à Saint-Germain-en-Laye en janvier 2023

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