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Le sortilège de Stellata de Daniela Raimondi : deux siècles d’Italie

5 octobre 2022

Le sortilège de Stellata de Daniela Raimondi fait partie de ces livres qui vous arrivent par hasard, vous divertissent, vous touchent et vous donnent envie de les faire connaître … Il s’est mis en travers de ma route un lundi de septembre et le charme a opéré. C’est donc avec plaisir que je vous fais découvrir aujourd’hui ce roman saga qui nous fait traverser deux siècles de l’histoire italienne dans les pas des Casadio…

 

Pourquoi ce livre ?

 

J’ai découvert Le sortilège de Stellata totalement par hasard. Il était mis en valeur à la bibliothèque du CE et la quatrième de couverture m’a bien plu. La promesse était alléchante : une saga familiale, l’Italie … Il ne m’en fallait pas plus !

 

La quatrième de couverture

 

« « Tout a commencé avec la Tsigane… » Un jour de l’an 1800, Giacomo Casadio croise les yeux noirs de la belle Viollca. Elle a lu le malheur dans ses mains, et l’amour dans ses bras… De leur union naîtra une lignée de descendants dont les rêves, trop souvent, mèneront à la tragédie.
Au village de Stellata, sur les bords du Pô, les générations se succèdent, endurant suicides, folies, passions effrénées, coups d’éclat et coups du sort… Deux siècles d’Histoire italienne passent, au cours desquels les Casadio, emportés par le fleuve du destin, jamais n’échappent au sortilège de leurs ancêtres…
« .

 

Bon parce contre, parlons une seconde du bandeau ajouté par Pocket. On y lit que Ouest France a écrit que ce roman est « dans les pas d’Elena Ferrante ou Luca di Fulvio ». Je sais bien qu’il faut faire vendre mais il ne faut pas non plus écrire n’importe quoi. Cette oeuvre, aussi réussie soit-elle, n’a absolument rien à voir avec les livres d’Elena Ferrante. Ni dans la construction, ni dans le rythme, ni dans l’atmosphère. Idem pour Luca di Fulvio. Donc ne pas lire ce livre si vous voulez lire Le gang des rêves ou la saga de l’Amie prodigieuse.

En revanche, d’accord avec Stefania Auci (Les Lions de Sicile) quand elle décrit Le sortilège de Stellata comme un roman « vivant, poétique et passionné ».

 

Ça raconte quoi ? 

 

Le sortilège de Stellata raconte l’histoire des Casadio, une famille modeste du Nord de l’Italie, entre 1800 et nos jours. Au début du roman, nous assistons à la rencontre et au mariage improbable de Giacomo Casadio, un jeune italien de Stellata et de la tsigane Viollca. Dans les cartes, elle lit le sortilège, le malheur qui ponctuera le destin de leurs descendants. Il y aura d’un côté les rêveurs aux yeux bleus, comme l’était Giacomo, et de l’autre les terre-à-terre aux cheveux noirs comme Viollca. Leur faut-il croire la menace révélée et redoutée par Viollca ou n’est-ce là que superstition ? Et en fil rouge cette question : sommes-nous condamnés à rejouer les drames hérités du passé ? À reproduire à d’autres époques des schémas familiaux pré-établis ? Quelle est la part du destin et celle du libre arbitre ?

De génération en génération, nous suivons donc les Casadio, cette famille qui pourrait être la nôtre, à travers deux siècles d’histoire de l’Italie. Ou quand la petite et la grande histoire se répondent … Car en toile de fond, nous assistons aussi à l’épopée de Garibaldi, à l’unification du pays, à la première guerre mondiale, à la montée du fascisme, à la seconde guerre mondiale aux révoltes étudiantes ou encore à l’intensification du terrorisme intérieur des années 70. C’est indéniablement l’une des grandes forces de ce roman.

 

Et le style dans tout ça ?

 

Le sortilège de Stellata est un vrai page-turner. Pas de ceux qui vous captent par le suspense, mais de ceux dont on ne peut s’empêcher de tourner frénétiquement les pages, au rythme des générations qui se succèdent. Dès le prologue, j’ai été totalement emportée par cette histoire que j’ai lue avec une réelle avidité. Daniela Raimondi a un réel talent pour dire beaucoup en peu de phrases et son style se prête parfaitement à l’exercice d’un roman « saga ». En quelques mots, on cerne les personnages, on ressent l’atmosphère, on perçoit les sentiments. L’oeuvre est bien écrite, équilibrée et cohérente. Bref, c’est très réussi.

 

Verdict ?

 

Le sortilège de Stellata est une vraie belle découverte !

D’abord car j’ai été captivée par cette succession de personnages et d’histoires. Comme autant de tableaux à différentes époques mettant en lumière une page de l’histoire de l’Italie. J’ai été touchée par la plupart d’entre eux, avec une tendresse toute particulière pour le personnage de Neve qui me marquera longtemps je pense.

Ensuite parce que le livre se lit vite, bien et surtout avec plaisir. Daniela Raimondi réussit le pari d’embarquer le lecteur dans le tourbillon de deux siècles d’histoire italienne, sans qu’il lui soit possible de décrocher ou de s’ennuyer une seule seconde.

Alors oui, j’ai connu une mini baisse de régime vers la fin du roman. Normal, les années 70 ne me passionnent pas franchement. Mais les dernières pages ont tout rattrapé. Notamment le sublime épilogue qui m’a presque arraché une petite larme et qui, je le pense, touchera beaucoup de lecteurs.

 

Quelques extraits choisis 

 

« Anselmo Martiroli continuait de boire, persuadé que « la plus belle des morts, c’est avec du vin dans le sang » ».  

 

« C’était un matin lumineux. L’air était doux pour un mois de janvier. Le soleil illuminait les jardins, les champs, les rues. On aurait dit l’oeuvre de Dieu, un monde parfait pétri de lumière ».  

 

« Je range mes morts, un à un. Certains ont les yeux noirs et la même expression inquiète ; d’autres ont les yeux bleus et le regard typique des rêveurs. Mais je vois la même histoire en chacun d’entre eux : une histoire liée à la terre. J’ai l’impression d’apercevoir les ombres de terre sur leur peau, de la terre dans leur regard, dans leurs cheveux, sur leur langue, sous leurs ongles. Et je sais que, malgré mon allure citadine, je porte, moi aussi, toute cette terre en moi, et le même destin que ces rêveurs déçus ». 

 

« Je regarde autour de moi : il n’y a plus rien. Pas même un papier, un cintre, un sachet de thé. Il ne reste plus rien de nous entre ces murs, rien de ce que nous avons été. Cette maison sera celle d’autres gens. Il y aura des sons et des parfums différents, l’arôme d’une autre marque de café sur le feu, d’autres épices. D’autres pieds laisseront leurs traces sur le sol. Il y aura d’autres souffles, d’autres étés, des voix différentes ». 

 

« Mais il est temps de s’en aller, maintenant. Il est temps de vivre les années qui nous restent dans la quiétude du souvenir, dans l’amour pour les enfants, dans les petits bonheurs de tous les jours. Il est temps d’oublier nos guerres et nos défaites, en apprenant à nous réjouir de la force secrète des rêves et des moments de répit qui nous sont accordés : le parfum du bois qui brûle, les lumières au fond de la campagne, les dieux du grand fleuve et les premiers brouillards d’automne sur Stellata ». 

 

Si vous aimez ce genre de roman sur l’Italie mêlant petite et grande histoire, je vous recommande aussi :

 

Et enfin, le titre original pour mes amies italiennes qui auront peut-être envie de lire ce livre : La casa sull’argine.

 

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Lu à Saint Germain en Laye en septembre 2022

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